jueves, 17 de febrero de 2011

La cultura cajún: una cultura con dificultades (segunda parte)

Joe Falcon y su primera esposa, Cléoma Breaux, trágicamente desaparecida, fueron los pioneros de las grabaciones de música cajún.



EL FRANCÉS HABLADO EN LUISIANA. PARTE II

Incluso entre los especialistas franceses y luisianeses está muy extendida la idea de que el francés es lengua cooficial con el inglés en Luisiana. Es una visión deformada del decreto aprobado por el Parlamento de Luisiana en 1968; en aquella sesión se declaró que cualquier lengua hablada en Luisiana podría ser empleada ante la administración, la justicia o cualquier otra institución, empresa o negocio ya fuera estatal o privado. Esto quiere decir que en este estado el español pude ser empleado legalmente, a pesar de su mínima presencia; igualmente las lenguas indias nativas, poco habladas también porque sus habitantes se francisaron muy pronto -de hecho son quienes mayormente conservan el francés-. La llegada masiva de vietnamitas depués de la guerra hizo que esta lengua fuera considerada legalmente como las otras. Igualmente pasó con la llegada a mediados del siglo XIX de una oleada de alemanes.

En todos estos ejemplos observamos que se trata de grupos lingüísticos muy minoritarios en Luisiana, con lo que hasta mediados del siglo XIX cambiaban sus lenguas por el francés, entonces la más hablada. A partir de la Guerra de Secesión, al estar Luisiana en el bando sureño, se la castigó prohibiendo la lengua francesa y prohibiéndola en las escuelas. Sucesivas constituciones fueron quitándole más terreno al francés.

En 1968, ante esta dislocada situación, el Parlamento Luisianés decidió que todas las lenguas tendrían el mismo estatus; ya era tarde:el inglés había ganado la batalla y sólo el francés seguía siendo una lengua bastante hablada. De ahí que haya habido quien ha creído que de facto dicha declaración suponía la llegada del bilingüísmo a Luisiana.

Y esto no es así: rotulos de carreteras sólo en inglés, prensa sólo en inglés, televisión y radio en francés inexistentes, escolarización con poca presencia del francés.

En los últimos tiempos, gracias a la perseverancia de los francófonos en emplear su lengua, se ha ganado mucho terreno y ya se puede hacer toda la enseñanza en francés; en ciudades como Lafayette las calles están rotuladas prácticamente en francés, algunas cadenas de televisión nacionales le dedican media hora diaria y existen varias estaciones de radio en francés.

Según las últimas encuestas, los jóvenes actuales tienden a hablar más el francés que sus padres, lo que en absoluto quiere decir que lo hablen más que el inglés; la interpretación que hay que dar a este importante hecho es que el grado de orgullo de los jóvenes cuando hablan francés ha subido mucho, mientras que la generación de sus padres lo consideraban una vergüenza, aunque lo hablaran.

Finalmente señalemos que actualmente se está realizando el censo en Luisiana y será muy interesante ver quién se declara francófono (anglófonos lo son ya todos) y de qué francés. Este es un caso curioso, porque en Lafayette, más de la mitad de los que se declaraban francófonos decían hablar el francés estándar, cuando es un hecho que hablan en francés cajún. Los más recalcitrates, entre ellos lingüístas eminentes como el Reverendo Jules Daigle, autor de un estupendo diccionario inglés-francés cajún, sostienen, sin ningún tipo de argumentación científica o de datos que el francés cajún es una lengua diferente al francés llamado estándar. Estas teorías, ampliamente criticadas y desmontadas por los profesores universitarios, han puesto las cosas en su sitio, pero deseando que el francés que se enseñe en sus escuelas sea el nativo, el cajún, el suyo y no el francés metropolitano.

La batalla continúa, apasionante, en Luisiana.

Os presento a continuación la segunda parte de mi conferencia en el 1er simposio de Escuelas Oficiales de Idiomas celebrado el Valencia en marzo de 2006. Una pequeña pero significativa bibliografía da fin al estudio.

MORPHOLOGIE

Le genre des noms est le même qu'en FS en ce qui concerne les mots du lexique commun, les mots nouveaux, c'est-à-dire, ceux qui sont venus s'ajouter après le départ de France et qui peuvent varier. Par exemple, on trouve
une accordéon
un guitare
À l'heure actuelle, les mots anglais de fraîche date se mettent au masculin et sont prononcés à l'anglaise:
le radio [´radjɔ]
le télévision [telə´viӡn]

Parfois, les hypercorrections se font norme ou coexistent avec la forme paradigmatique:
un animal / un animau
ou bien la coupure syllabique avec l'article n'est pas bien définie:
les oiseaux > un z-oiseau
phénomène connu aussi en d'autres parlers dialectaux et en créoles de base française comme celui de la Réunion. Il s'agit, en fait, de quelque chose de typique là où la langue n'a qu'une existence orale, en dehors de la force centripète de l'enseignement et de la culture.

Signalons que l'article indéfini a créé une forme analogique:
un / une , souvent orthographiés ein / eine à cause de leur prononciation.
On pourrait se demander si ce modèle a été importé de Normandie, où il existe dans le parler dialectal. La graphie 'eine' a été prise comme drapeau par ceux qui pensent que le FC est une langue à part entière et différente du FS. Mais il faut dire que ces mêmes gens oublient que d'autres caractéristiques du FC qu'ils considèrent exclusives existent aussi en français populaire. Voyons les plus importantes:
je, prononcé [ӡ / ∫] : je bois, je parle [ӡbwa], [∫parl]
tu, [ty] devant une consonne, parce que devant une voyelle il est systématiquement élidé : t'as
il, [il] devant une voyelle, [i] devant une consonne
elle [εl / al] devant une voyelle; [a] devant une consonne : elle boit [a'bwa]
nous n'existe que dans 'nous autres' [nuz´ot], autrement il est remplacé par 'on'
vous est le traitement de courtoisie; comme en FQ, cette forme de politesse disparaît rapidement (peut-être à cause de l'influence de l'anglais). Dans cet usage, 'vous' est reservé aux prêtres, bien qu'on l'entende aussi dans d'autres situations.
Pour signaler le pluriel de 'tu', on emploie 'vous autres' [vuz'ot], de la même façon qu'en anglais américain du sud 'you' s'oppose à 'y'all'.
ils [iz] devant une voyelle, sinon [i], est valable pour le masculin et le feminin :
des cloches, ils ont sonné
On emploie fréquemment 'ça' avec cette valeur de 3è p.p. :
ça dit que ... (ils disent que ...)

Il est impossible de savoir si ces réductions (comme celle de 'ils / elles' au profit de 'elles') sont dues à l'influence de l'anglais (où 'they' est valable pour les deux genres) ou à un procès de simplification propre à la langue française dans des conditions d'oralité et de manque presque total de référents culturels académiques (qui existent, mais en anglais!). Cela est bien évident dans la conjugaison; examinons par exemple l'indicatif présent des verbes 'parler' et 'aller' :

je parle vas
tu parles vas
il parle va
on parle va
vous parles vas
ils parlent/parlont vont

En réalité, les deux explications se tiennent l'une l'autre, parce qu'une fois éliminée la forme 'nous mangeons' ou profit de 'on mange', on a créé 'nous autres mange' et de là, vous autres manges' (graphié avec un -s, pour marquer le pluriel). La désinence de la 3è p.p. garde souvent la forme archaïque 'ils parlont' / 'ils parlant' (du fait de la confusion entre ces deux voyelles nasales, cf. supra).

La tendance à la régularisation est donc un fait, comme le futur 'je mangera'.

Pour la même raison, le subjonctif est en train de disparaître de la conjugaison au profit de l'indicatif présent. Cette tendance, existante déjà en FS pour le premier groupe, il faut la voir comme la suite logique de la simplification du subjonctif en FS (cf. l'imparfait du subjonctif). Ce temps verbal persiste en FC dans les cas les plus usuels :
que j'aie, que je sois

ou avec des formes particulières qui ne sont pas sans rappeler un français déjà perdu :
que je faisse, que je voie [vwεj]

Remarquons que le subjonctif, qui est en français normalement introduit par la conjonction 'que', disparaît aussi bien que la conjonction elle-même :
faut tu viens (il faut que tu viennes)

Et on pourrait se demander quelle en est la cause. En principe, la disparition de la conjonction 'que' semble une claire influence de l'anglais, de façon que les deux explications (régularisation et influence de l'anglais) vont de pair.

Que l'influence de l'anglais se fait vraiment sentir, c'est clair à l'impératif :
parle va
allons parler allons aller
parlez allez

ou 'allons' garde la même fonction que l'anglais 'let's' (let's go).

La régularisation existe aussi dans quelques formes innovatrices de la conjugaison :
prendre > je prendais
moudre > moudu
et même avec des formes étymologiques (qui subsistent encore en quelques FR) :
tiendre ('tenir')

SYNTAXE

Dans la syntaxe, on peut aussi déceler des copies de l'anglais tendant à la simplification à côté de tournures typiquement françaises :
avoir pour : j'ai pour balayer' (je dois balayer)
être après de : je suis après manger (en train de manger)
être en train de : je suis en train de laver mon char (sur le point de)
sortir de : je sors de manger (je viens de manger)
Il est à constater que la tournure 'être après + inf' existe aussi en Savoie et dans tous les créoles d'origine française.

À côté de ces formes, il y a des copies de l'anglais :
la fille je sors avec (the girl I go out with)
(la fille avec laquelle je sors)
qui existent aussi dans le FQ, mais qui sont plus fréquents en FC; en réalité, c'est la même chose, car ces copies visent à une égalisation et intercompréhension des deux langues. Le phénomène est universel entre les langues en contact (cf. la naissance du castillan en contact avec le basque ou celle du français en contact avec le franc) et, en tout cas, c'est à l'école et aux grammairiens d'y pourvoir.

Il est à remarquer que, parfois, ces apports de l'anglais se réalisent de façon contradictoire. Pensons à une phrase telle que
j'ai drive à mon ouvrage (j'ai conduit jusqu'à mon travail)
où l'on attendrait la forme 'drove' du passé anglais, comme dans
il est gone
qui coexiste avec 'il est parti'.

Ce sont des phrases qu'il faut comparer à d'autres qu'on emploie fréquemment en Louisiane :
je suis back dans cinq minutes
mon sink est tout stop up
je peux pas stand cette musique-là

Pourtant, malgré ces exemples, il ne faudrait pas croire que la communication s'interrompt entre un louisianais et un français, par exemple, car une certaine intuition entre en ligne de compte ainsi qu'une certaine connaissance de la langue anglaise. Celui qui écrit cet article a entendu en Louisiane quelque chose de très gentil :
enjoyez la visite, monsieur (enjoy the visit, sir)

Donc, on n'a pas de mal à comprendre
je suis après espérer pour ma mère
(je suis en train d'attendre ma mère)
où l'on reconnaît d'un côté l'expression 'espérer pour' de l'anglais 'to wait for' et d'un autre côté la tournure 'être après espérer' qu'on a déjà vue.

Quoi qu'il en soit, ce qu'il faut retenir, comme le signale parfaitement le professeur Ancelet, c'est que le français parlé en Louisiane est du français construit autrement; il donne l'exemple suivant :
il est après arranger son char
où tous les mots sont bien français, compréhensibles pour un Français, qui, pourtant, dirait
il est en train de réparer (ou de faire réparer) sa voiture

LEXIQUE

C'est dans le lexique que le FC acquiert sa personnalité, qu'il se différencie des autres parlers du FR, non pas parce qu'il est très différent mais à cause de sa distribution dans la chaîne parlée, de ses archaïsmes (par rapport au FS), de ses anglicismes -de plus en plus nombreux et avec une distribution tout à fait différente de celle du FS.

Le FC est le résultat d'un mélange de différentes nationalités qui ont pris le français comme langue commune et qui l'ont adapté à de nouveaux besoins de communication. Si bien toutes les langues, à un moment donné, se sont formées ou ont évolué de la même façon, le FC présente un grave problème : la rapidité avec laquelle son lexique change, l'acquisition de nombreux anglicismes à chaque génération, qui ne lui permet pas de se stabiliser.

Évidemment, on ne pourrait pas critiquer les néologismes qui viennent du besoin de nommer des animaux ou des plantes inexistantes en Europe; on ne pourrait pas critiquer non plus les mots français qui ne s'emploient plus en FS, ni les anglicismes de longue date, ni les hispanismes ou ces mots qui désignent des inventions inexistantes au 18è s. Le problème, c'est le remplacement systématique de mots originels par leurs correspondants anglais. Le noyau dur de la langue, c'est-à-dire, le lexique de base, se voit attaquer, de façon telle qu'à la fin, une langue remplace totalement l'autre.

Prenons des exemples.
Des langues amérindiennes, le FC a adopté 'bayou' (cours d'eau), le mot emblématique louisianais, ainsi que le mot 'ouaouaron' (grosse grenouille), qui existe aussi en FQ.

De l'espagnol, le FC a pris 'tchourisse' (chorizo), 'lagnappe' (

De l'anglais, on a des emprunts de longue et fraîche date tels que 'truck' [trœk] (camion), antenna (antenne), tape recorder, 'boguey' (

Des archaïsmes comme 'châssis' (qui coexiste avec fenêtre), 'catin' ('poupée' et non pas le sens actuel de 'putain' qu'on lui donne en France), 'espérer' (attendre, comme dans pas mal de FR), 'train' (bruit).

Des mots communs à d'autres du FQ comme 'gros char' (train), 'char' (voiture).

Il est important de signaler que, dans le domaine des expressions imagées, le FC est très vivant, comme le montre le livre “Tonnerre, mes chiens!”, de la professeur Amanda LaFleur :
quand les poules auront des dents
il ne faut pas chercher midi à quatorze heures
à côté d'expressions calquées sur l'anglais
il pleut des chiens et des chats
(it rains dogs and cats)
ou d'autres qui ont été tout simplement et naturellement adaptées
t'es pas Reagan! (pour dire 'tu n'es pas tout puissant')
va péter à Lacassine! (localité réputée être éloignée, près du Texas)
ou avec de petits changements
se rincer les yeux (se rincer l'oeil)
Enfin, la liste et les comparaisons pourraient devenir interminables. Signalons que de nombreux anglicismes sont entrés dernièrement en FS, mais ils ne sont pas les mêmes qu'en FC.


CONCLUSION
L'étude du français en Louisiane porte sur une variété de la langue française. Ses caractéristiques font de ce français un objet d'étude très intéressant, et non seulement à cause de ses caractéristiques linguistiques, mais parce qu'il n'est pas commun de voir une des très peu nombreuses langues internationales et universelles en danger d'extinction dans une partie de son territoire historique (trois siècles et demi de présence francophone en Louisiane permettent cet adjectif). Le principal danger du français en Louisiane vient du fait de perdre les caractéristiques qui lui sont communes à la langue française, à cause de la rapidité avec laquelle le français s'anglicise. Le risque de folklorisation est évident : truffer une conversation en anglais de quelques mots français n'est pas suffisant, de même qu'un journal qui n'a en français que le nom, ou bien considérer qu'être cajun consiste à faire de la cuisine cajun (excellente, d'ailleurs) ou à chanter leur musique française (une très bonne musique, d'ailleurs) sans comprendre les paroles, c'est-à-dire, en imitant les sons. Que la langue puisse passer de génération en génération dans ces conditions, c'est très difficile.

Le danger vient surtout d'une attitude propre aux Cajuns eux-mêmes. Leur sentiment d'infériorité en tant que parlants du français les pousse à employer de plus en plus l'anglais. En plus, il y a beaucoup de Cajuns qui ne se sentent pas identifiés avec le sentiment d'appartenance à une communauté globale universelle (qu'on appelle francophonie), en appuyant des points de vue tout à fait saugrenus à propos de l'adscription comme langue unique -et avec une autre origine que le français. Nul ne doute que les Cajuns ont tout leur droit à utiliser leur variété de langue -ce qui n'a pas toujours été bien compris par les autorités éducatives louisianaises. Mais la sécession linguistique sans aucune base scientifique mène à l'affaiblissement d'une langue.

C'est pour cela que l'étude des différentes variétés doit se faire de façon individualisée, afin de bien viser au centre du problème. Le français de Louisiane continue à ne pas avoir de référents culturels venant de la francophonie, malgré les efforts des intellectuels, des universités et malgré la politique d'oubli de l'ancienne métropole.

Voilà pourquoi le français, en Louisiane, est une langue en détresse.